lundi, 20 octobre 2008
LE BRIQUET A ESSENCE (Henri Jurquet)
Dans la tête de Romain, kaléidoscope accéléré, les souvenirs défilaient.
Les bancs et les odeurs de l'école communale. Ceux du couvent de Lunet, son silence, sa quiétude. Le braconnage des truites que l'on pêchait à la main dans les ruisseaux. Le temps des fenaisons où l'on partageait la salade et le jambon sous un arbre près d'une source dans les combes.
Apollonie, leur grand mère, si généreuse, qui leur avait donné la foi et le goût du travail. Et Marie, Marie l'Occitane, souple et vive, fine et brune, avec sa guitare, ses airs d'oiseau fragile, mais taillée dans un roc intérieur. Marie, celle qui lui avait permis d'exprimer sa révolte et qui avait compris où l'enfant de vingt ans avait mal. Celle pour qui tout était simple à force de travail et de méditation.
Celle qui lui avait appris à goûter l'air, le nuage, l'arbre et la fleur, à se référer au détail ou au signe. Celle qui lui avait enseigné l'attention, l'éveil, le réveil, la délicatesse, l'intelligence du coeur, Dieu, l'amour. Celle qui l'avait enrichi de choses gratuites parce que naturelles.
Celle à qui, mieux qu'un coup de téléphone, le reliait une télépathie si forte qu'il lui semblait que ses yeux venaient se poser derrière les siens quand il lisait un texte. Celle qui le protégeait à distance pour le soulager d'une douleur à une dent, d'un rhumatisme, d'un mal de gorge, plus simplement du mal de vivre. Marie, toujours en quête de lumière, en même temps qu'un peu sorcière, qui, pour lui, disait des prières ou récitait une patuffe, une formule magique ou cabalistique. Marie vers qui il revenait en pensée chaque fois que le doute s'installait en lui pour puiser ses certitudes. Marie qui avait voulu être l'amie, la soeur, la mère, le double, le rêve, l'impossible. Marie qui guiderait toujours ses pas jusqu'à partager avec lui l'éternité, puisqu'ils étaient inséparables, secrètement unis dans l'immortalité stellaire, comme les jumeaux Castor et Pollux.
Marie, jardin secret, car elle en avait épousé un autre, mais que, même pris dans les courants de la vie, Romain n'avait jamais oubliée, et qu'il désirait, à présent, brusquement revoir. Autre étape obligatoire, il irait frapper à sa porte en repartant du village.
23:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : littérature, livre, écriture, journal intime, culture
LES BOIS
Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ;
Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos coeurs maudits,
Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles,
Répondent les échos de vos De profondis.
(Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal)
11:07 Publié dans Citations | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : culture, littérature, livres, écriture, journal intime, nouvelles et textes brefs
lundi, 13 octobre 2008
RETRAITE
Elle vit dans un océan
De souvenirs doux ou amers
Elle voudrait pourtant se taire
En ce jour anniversaire.
Sur un rythme binaire
S'écoule vite le temps
Parler enfin elle ose
Elle offre des échantillons
De sa vie en apothéose
Où elle était un papillon
Dans les recoins de son âme
Brûlent de petites flammes.
10:50 Publié dans Mes poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : culture, littérature, écriture, journal intime, poésie, poèmes
lundi, 06 octobre 2008
Lettres (Mme de Sévigné)
Je me trouve dans un engagement qui m'embarrasse :
Je suis embarquée dans la vie sans mon consentement ;
Il faut que j'en sorte, cela m'assomme ; et comment en sortirai-je ? par où ? par quelle porte ? quand sera-ce ? en quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir désespérée ? aurai-je un transport au cerveau ? mourrai-je d'un accident ? Comment serai-je avec Dieu ? qu'aurai-je à lui présenter ?
22:48 Publié dans Citations | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : littérature, livres, écriture, culture, histoire, vie, journal intime
dimanche, 05 octobre 2008
PATIEMMENT
Je t'ai attendu silencieusement
Loin des paillettes alentour
Tu m'as attendue patiemment
Recherchant des signes d'amour
Pas de cinéma entre nous
Mais une évidence peu à peu
Une chaleur vive entre nous
Notre amour n'était pas un jeu
Il s'est construit lentement
Je t'ai attendu patiemment
Le doute frappant à ma porte
Avant que le vent ne l'emporte.
22:27 Publié dans Mes poèmes | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : poésie, poèmes, écriture, journal intime, amour
vendredi, 03 octobre 2008
UNE FOULE
Une foule d'hommes, de femmes et d'enfants descend l'avenue. Elle se mêle à la marée humaine qu'elle rencontre et forme un tourbillon à l'entrée du centre commercial. Sans fin, le tourbillon évolue dans un sens ou dans un autre. Le flux ne faiblit qu'à certains points de la place où un musicien se donne en spectacle pour le bonheur de quelques passants ou à l'occasion de rencontres entre amis.
Je suis dans la foule et je me revois dans la même rue, celle de cette grande ville que je connais depuis très longtemps, certains jours d'automne où les couleurs sont moins vives dans les vitrines, dans les tenues portées par les passants et dans le ciel dévoilant sa fine couverture de nuages blancs. Je marche vers le centre commercial où je dois faire quelques achats après avoir avalé un plat chaud et un dessert dans un petit restaurant accueillant....
11:45 Publié dans Nouvelles et textes brefs | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : écriture, journal intime, livre, nouvelles, textes brefs
jeudi, 02 octobre 2008
LA BOUCLE RETROUVEE
Il retrouve dans sa mémoire
La boucle de cheveux châtains
T'en souvient-il à n'y point croire
De nos deux étranges destins.
Du boulevard de la Chapelle
Du joli Montmartre et d'Auteuil
Je me souviens, murmure-t-elle
Du jour où j'ai franchi ton seuil
Il y tomba comme un automne
La boucle de mon souvenir
Et notre destin qui t'étonne
Se joint au jour qui va finir.
(G. Apollinaire)
14:26 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : poèmes, poésie, écriture, amour, journal intime, livre, littérature
jeudi, 25 septembre 2008
REPRISE DES COURS (Le journal de Juliette, lycéenne n° 38)
Juliette n'a pas revu Lionel, elle ne l'a pas oublié. Elle a repris les cours au lycée sans aucune appréhension, pour la dernière année avant le baccalauréat en juin. Le jour de la rentrée s'est passé "en un éclair". Elle retrouve ce jour là Aurélie et Annie ainsi que Jocelyne.
Alain n'est plus dans sa classe mais elle le retrouve en cours d'allemand chaque semaine, toutes les sections étant regroupées. Le professeur interroge souvent Juliette, peut être parce que, quelques jours avant la rentrée des classes, elle l'avait vu au supermarché. Il cherchait des cahiers de textes. Il lui avait demandé où elle avait trouvé le sien. Malheureusement il n'y en avait plus en stock, Juliette ayant pris le dernier.
Le professeur d'Anglais demande aux élèves de ne pas changer de place en ce début d'année, le temps de les connaître un peu mieux. Juliette qui se trouve seule à une table attend avec impatience de pouvoir se remettre à côté d'Aurélie.
Alain sort toujours avec Caroline, sa nouvelle petite amie depuis le mois de mars. Juliette se retrouve souvent à côté d'elle en cours d'Allemand. Et surtout elle lui prête son livre de cours, car Caroline ne l'a pas encore acheté et Alain non plus.
En cours de sciences, Juliette connaît bien sa professeur, Madame Monneveux, car celle-ci était venue cet été chercher Patricia à la location de vacances en Bretagne. Madame Monneveux a également besoin des services du papa de Juliette pour son antenne de télévision. Elle sonne donc à la porte de la maison cet après midi. "Il paraît que vous avez tué des souris en cours ce matin ?" demande la maman de Juliette. "Oui, il y en a qui n'aiment pas toucher", répond-t-elle en riant. Car Juliette avait raconté à sa maman qu'elle avait disséqué une souris blanche en cours ce matin. Maman fait une grimace et dit que c'est bien cruel.
23:34 Publié dans Journal de Juliette | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : livre, écriture, journal intime, nouvelles et textes brefs
lundi, 22 septembre 2008
SOUS NOTRE TOIT
Sous notre toit
Toi et moi
Avons déposé nos valises
Nous n'irons pas à Venise
Nous ferons des heures grises
Des instants aux mille couleurs
Comme celles du bonheur
Sous notre toit
Toi et moi
C'est bien mieux qu'à Venise
Où quelquefois il pleut
Dans les yeux des amoureux.
10:30 Publié dans Mes poèmes | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : poèmes, poésie, livres, littérature, journal intime, écriture
mercredi, 10 septembre 2008
DEUX EXTRAITS du Livre de Bona MANGANGU que je viens de terminer
CARNETS D'AILLEURS :
"On ne change pas. On fait des bonds, des sauts périlleux, par-ci par-là. On élargit les angles de vue. Le regard est figé ou se porte au lointain, essayant de transcender le réel, mais on évolue toujours dans les mêmes cercles. On ne modifie pas le mouvement giratoire du vent. On regarde tourner les cercles en parlant à soi, au reste du monde. Parfois on se tait. La voix change, prend d'autres intonation, des inflexions cristallines, rauques ou claires. Les cercles concentriques s'agrandissent pour ceux qui voyagent. L'être véritable ne change pas". (page 9)
"L'amour est en lui-même musique. Le tout est de savoir pincer les bonnes cordes, si je puis m'exprimer ainsi, jouer la bonne partition, user de bons accords, de l'accord parfait. Lorsque cela arrive, c'est une grâce. Et aux détours d'un chant, d'une note bleue, parfois un miracle, des sources de joie. J'avoue que cela ne m'est jamais arrivé". (page 143)
22:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature, écriture, journal intime, livre